1/ Quelle est la position de l’UDA sur la question de la fiscalité du numérique en France ?
L’UDA juge légitime que les pouvoirs publics réfléchissent sur la fiscalité du numérique. Cependant, l’une des solutions proposées jusqu’à présent qui consistait à instaurer une taxe sur la publicité en ligne, n’était pas pertinente.
La taxe « Google », qu’elle vise directement les annonceurs ou les régies publicitaires manquerait sa cible, les grands acteurs internationaux de l’internet, et aggraverait le désavantage compétitif des entreprises françaises.
D’abord parce que le coût de la taxe pourrait être répercuté sur les annonceurs français dont les dépenses publicitaires sont déjà assujetties à une pression fiscale forte avec plus d’une dizaine de taxe. Et cela toucherait plus particulièrement les petites et moyennes entreprises pour lesquels le marché de la publicité en ligne est le seul marché publicitaire auquel ils ont accès car il offre un coût d’entrée très bas. Si l’on augmente ce coût, on risque de les priver de leur possibilité de communiquer.
Ensuite, parce qu’une telle taxe pénaliserait la compétitivité d’autres acteurs nationaux tels que la presse en ligne qui tente de trouver de nouveaux modèles économiques, ou la multitude de sites français qui vivent en commercialisant de l’espace publicitaire auprès des annonceurs.
Je suis heureuse qu’à ce stade, tous ces arguments, dont certains ont également été portés par le SRI, aient été entendu et repris par la Ministre Fleur Pellerin, les deux experts mandatés par le gouvernement, Pierre Colin et Nicolas Collin, ou encore le sénateur Yvon Collin, rapporteur de la proposition de loi déposée par Philipe Marini.
2/ Quelle est votre appréciation du rapport Colin&Collin et de ses propositions ?
Ce rapport est fouillée et les propositions construites. Les deux auteurs visent juste : les données sont la matière première de l’économie numérique. L’idée d’une fiscalité incitative est intéressante et peut être partagée par les annonceurs qui sont très impliqués dans la communication responsable et souhaitent travailler avec des partenaires proposant des solutions respectueuses des données personnelles de chacun d’entre nous.
Si, comme cela semble être proposé, il s’agit d’adopter une taxe qui, sans viser toutes les entreprises détenant des données, sur leurs clients par exemple, touche les entreprises dont le modèle économique est basé sur les données personnelles et dont les pratiques ne seraient pas conformes à la législation, la solution pourrait être vertueuse. C’est en effet les annonceurs, leurs marques et leurs images qui sont les plus directement touchés lorsqu’une publicité digitale est mal perçue par un internaute.
Mais encore faut-il que le cadre juridique sur les données personnelles soit cohérent et stable, que l’on définisse clairement ce qu’est une donnée personnelle et que toute collecte ne soit pas n’interdite! Je fais allusion ici au projet de règlement européen sur les données personnelles dont l’impact pourrait être important sur le marketing digital.
3/ Quels sont les autres sujets juridiques sur lesquels les annonceurs sont en ce moment particulièrement vigilants ?
Ils sont multiples et beaucoup concernent la publicité digitale. Bloqueur de publicité, cookies publicitaires, encadrement de la TV connectée, problématiques liées réseaux sociaux.
Et bien sûr, en matière d’achat d’espaces la bonne application de la loi Sapin. Les nouvelles places de marchés telles que les adexchanges constituent de nouvelles opportunités pour les annonceurs mais suscitent aussi leurs inquiétudes notamment du fait de la multiplication du nombre d’intermédiaires dont le positionnement est flou.
Ces marchés ne pourront s’inscrire dans la durée que si toutes les conditions pour créer la confiance des annonceurs sont réunies : chacun des acteurs doit clarifier son rôle, acheteur ou vendeur d’espaces. A partir de là, toutes les obligations relatives à la facturation, aux flux financiers, aux reporting, aux déclarations de liens d’intérêts prévues dans la loi Sapin pourront être respectées. Cela permettra d’instaurer une transparence financière et de garantir la neutralité du conseil média aux annonceurs. Nous échangeons sur ce sujet au sein de la Fédération mondiale des annonceurs et avec nos homologues américains qui se posent exactement les mêmes questions que les annonceurs français. Ils souhaitent également cette clarification.
Contrairement à ce que l’on entend parfois, cette loi n’est pas une loi protectrice des annonceurs. Rappelons que ce sont les médias qui avaient plus particulièrement souffert des dérives constatées au début des années 1990. L’objectif de cette loi était de rééquilibrer les relations entre les différents acteurs au bénéfice de tous : les médias, les intermédiaires et les annonceurs.
Elle protège aussi les acteurs qui essayent de pénétrer sur ces nouveaux segments et permet donc la mise en place d’un marché sain composé d’acteurs compétitifs.