Comment analysez-vous la période que vous vivez, vous et votre entreprise ?
Pour l’anecdote, en 2008, je travaillais chez Yahoo en tant que commercial dédié au secteur finance… à l’époque les investissement du secteur s’étaient taris quasiment du jour au lendemain. Ici le mouvement est de bien plus grande ampleur, puisque c’est l’économie « réelle » qui est touchée. Seules les marques de première nécessité ou capables de continuer à proposer leurs services communiquent. Mais le mouvement de fond qui traverse le secteur de la publicité est beaucoup plus important que celui de 2008, qui touchait surtout le secteur banque & assurance, car tout ce qui n’est pas nécessaire est arrêté dans le pays. Les marques qui sont encore actives sont celles du bas de la pyramide de Maslow et qui correspondent donc à nos besoins du moment : se nourrir et se soigner.
Ces périodes compliquées pour le secteur sont aussi des moments privilégiés pour l’innovation. Tout va plus vite et ceux qui ne se transforment pas assez vite vont souffrir. Je n’oublie pas que StickyADS.tv (NLDR : qui a été racheté par FreeWheel en 2016) a été créé en 2008 et cette année est aussi celle qui a vu naître le format vidéo. C’est aujourd’hui que se prépare le « next big thing ». En ce moment où le téléphone sonne un peu moins, pourquoi ne pas également réfléchir à ce que seront les produits publicitaires de demain – plus d’interactivité ? de nouveaux formats ? un nouveau rapport entre les marques et les éditeurs ?
Ce que cette crise met en avant, c’est le rôle des commerces de proximité et de la nécessité d’aider également ces commerces et pas seulement les annonceurs nationaux. Les difficultés traversées ces dernières semaines par la PQR, comme la mise en liquidation judiciaire de Paris-Normandie, doit à ce titre nous interpeller. Elles sont paradoxales, car les individus comme les annonceurs, n’ont jamais eu autant besoin des titres locaux. Alors que les débats sur le projet de loi sur la publicité segmentée sont en pause, il faut penser à ces annonceurs locaux beaucoup plus que nous ne l’avons fait à date.
Quelle bonne idée ou initiative avez-vous mis en œuvre pour votre entreprise ?
FreeWheel est basé sur 4 continents et 2 fois plus de fuseaux horaires – il est difficile de se retrouver tous ensemble ! Nos dirigeants ont mis en place un « weekly » vidéo hebdomadaire, où se retrouvent l’ensemble des salariés de l’entreprise pour partager sur les initiatives et l’actualité des différentes équipes. Grâce à ces appels, où nous sommes tous connectés dans nos salons respectifs, nous réalisons vraiment tous que nous sommes une entreprise mondiale – et que nous sommes unis face à cette épidémie. La semaine dernière pendant l’appel, nous avons appris que le bureau de nos ingénieurs à Beijing va rouvrir après près de deux mois. C’est une pensée très apaisante qui nous a accompagné toute cette semaine.
Quel nouveau réflexe garderez-vous « après » ?
Cette situation exceptionnelle nous apprend à trier les sujets plus efficacement, ce qui sont urgents et ceux qui ne le sont pas, ceux qui sont importants et les autres.
La crise nous apprend à nous recentrer sur l’essentiel de notre activité et à limiter au maximum le superflu. Nos agendas se sont soulagés de ce qui n’avait pour autre fonction que d’exister – et tout le monde se rend compte que cela va aussi bien sans !
Comment, d’ailleurs, pensez-vous que sera le monde « d’après » ?
C’est compliqué sans boule de cristal. Instinctivement, on imagine sûrement un monde plus solidaire, moins globalisé, avec le retour d’annonceurs locaux ou nationaux. C’est en tout cas ce dont on a envie aujourd’hui – d’une transition vers les valeurs, vers l’empathie et des formats plus inspirants.
Difficile cependant d’imaginer comment vont évoluer les choses. Nous vivons un traumatisme collectif, qui impacte nos habitudes de consommation actuelles mais continuerons peut-être à impacter en miroir nos habitudes « d’après ». Comme le disait Nicolas Hernandez (CEO, 360Learning) ici, « après la première guerre mondiale, la consommation de topinambours, de pommes de terre et autres soupes d’orties, qui avaient prospéré pendant le conflit, a durablement baissé ». Méfiance, donc.
Il faut rester très humble quand on évoque de l’avenir et accepter que l’on va naviguer à vue pendant encore quelques mois – tout en continuant à innover. Une bonne idée est de continuer à chercher tous les baromètres et études d’opinion qui sont publiées, comme celle que FreeWheel a conduite auprès d’un millier de français sur l’impact du Covid-19 sur la consommation des médias et la perception de la publicité.